Une décision historique vient d'être prise en Bretagne : l'interdiction totale de la pêche aux saumons et aux truites dans toutes les eaux bretonnes pour l'année 2025. Cette mesure drastique intervient après le constat alarmant d'une population de seulement 643 saumons recensés en 2023 sur l'ensemble des stations de comptage de la région. La survie même de l'espèce se trouve désormais menacée sur le territoire armoricain.
Un effondrement spectaculaire des populations de saumons en Bretagne
Les chiffres révèlent une réalité glaçante : la situation des saumons atlantiques dans les rivières bretonnes atteint un seuil critique jamais observé. Les données collectées par les stations de comptage démontrent une chute vertigineuse des populations depuis les années 1970, où l'on comptait encore plusieurs milliers de spécimens par rivière.
L'année 2023 marque un point de rupture avec seulement 643 saumons comptabilisés sur les trois principales stations de surveillance de la région. Cette situation alarmante a contraint le Comité de gestion des poissons migrateurs (Cogepomi) à prendre des mesures radicales pour tenter de sauver l'espèce.
Une interdiction totale sur trois zones de pêche stratégiques
La mesure adoptée par le Cogepomi s'appliquera sur trois territoires distincts, créant une zone de protection intégrale :
- La pêche en rivière, touchant directement les pêcheurs sportifs et les associations locales
- La zone estuarienne, particulièrement sensible pour la migration des saumons
- Le domaine maritime côtier breton, impactant la pêche professionnelle
Ces restrictions entreront en vigueur le 1er janvier 2025 et concerneront aussi bien les saumons atlantiques que les truites de mer. Cette mesure représente la première interdiction totale de pêche aux salmonidés sur un territoire français.
Les facteurs multiples du déclin des salmonidés
L'analyse scientifique identifie plusieurs causes majeures dans la disparition des saumons, bien au-delà de la simple pression de pêche :
- Le réchauffement des eaux des rivières bretonnes, avec des températures dépassant régulièrement les 20°C en été, seuil létal pour les jeunes saumons
- La destruction progressive du bocage breton entraînant une érosion accélérée des sols et une sédimentation excessive des frayères
- La présence massive de pesticides dans les cours d'eau, perturbant le cycle de reproduction des salmonidés et affectant le développement des alevins
- La multiplication des obstacles à la migration sur les cours d'eau (barrages, seuils)
- L'acidification des océans impactant la survie des saumons durant leur phase marine
L'impact économique et social sur la filière pêche
Cette interdiction totale va directement affecter près de 1 200 pêcheurs détenteurs d'une licence spécifique pour la pêche au saumon en Bretagne. Le préjudice économique atteint plusieurs millions d'euros pour l'ensemble de la filière, avec des répercussions multiples :
Les guides de pêche spécialisés devront se reconvertir vers d'autres espèces ou activités. Le secteur du tourisme halieutique, qui générait environ 2,5 millions d'euros par an en Bretagne, fait face à une nécessaire restructuration.
Les commerces spécialisés dans le matériel de pêche aux salmonidés subissent déjà une baisse significative de leur chiffre d'affaires, estimée à 40% depuis l'annonce de l'interdiction.
Un plan d'accompagnement complet
Les autorités régionales déploient un dispositif d'aide structuré autour de trois axes :
La création d'un fonds de compensation doté de 1,2 million d'euros pour les professionnels les plus impactés
Des programmes de restauration des habitats naturels des salmonidés, avec un budget de 3,5 millions d'euros sur 5 ans
Le renforcement des contrôles sur l'utilisation des pesticides à proximité des cours d'eau, avec le recrutement de 15 agents dédiés
La restauration des populations : un défi générationnel
Les spécialistes estiment qu'une période minimale de 5 ans d'interdiction permettrait d'observer les premiers signes de reconstitution des populations. Gilles Huet, ancien délégué général de l'association Eau et Rivières de Bretagne, souligne la nécessité d'une action globale incluant la lutte contre le changement climatique.
Des initiatives de restauration écologique transforment déjà plusieurs rivières emblématiques comme l'Ellé, le Scorff et l'Aulne. La destruction d'anciens barrages et la réhabilitation des zones de frayères marquent le début d'une transformation profonde des écosystèmes fluviaux bretons.
Cette mesure d'interdiction totale marque un tournant historique dans la protection des espèces migratrices en France, ouvrant la voie à une nouvelle approche de la gestion des ressources halieutiques.