La controverse autour de la chasse à courre s'intensifie avec l'intervention remarquée du célèbre photographe et militant écologiste Yann Arthus-Bertrand. Suite à des incidents répétés dans sa réserve naturelle des Yvelines, sa pétition pour l'interdiction de cette pratique traditionnelle mobilise massivement, dépassant les 44 000 signatures en moins d'un mois. Cette initiative ravive le débat national entre préservation de la biodiversité et maintien des traditions cynégétiques.
Une série d'intrusions qui déclenche la polémique
L'incident déclencheur s'est produit le 7 décembre 2024 dans la propriété de Yann Arthus-Bertrand, aux Mesnuls, dans les Yvelines. Six chiens appartenant au rallye Bonnelles-Rambouillet ont franchi les limites de cette réserve naturelle de 28 hectares, un sanctuaire dédié à un ambitieux projet de réensauvagement. Cette zone protégée, refuge privilégié d'une harde de cerfs et de biches pendant la période hivernale, subit des intrusions répétées depuis maintenant trois ans.
La configuration du site, délimité par des clôtures spécialement conçues pour la libre circulation des cervidés, n'a pas empêché ces violations répétées. Un arrêté ministériel et municipal impose pourtant une distance minimale de 400 mètres entre les activités de chasse à courre et les habitations, une règle régulièrement transgressée selon le photographe.
Un programme ambitieux de réformes
La pétition, lancée par l'association de la vallée de la Millière sous l'impulsion de Yann Arthus-Bertrand, présente un programme structuré en plusieurs points :
- L'arrêt total de la chasse à courre sur le territoire français à l'horizon 2030, accompagné d'un plan de transition progressif
- L'application rigoureuse des règles de distance et le respect absolu des limites des propriétés privées
- La modification du calendrier cynégétique pour préserver la période du brame des cerfs
- La création de zones sanctuaires pour la protection de la biodiversité
Un patrimoine séculaire face aux enjeux modernes
Les pratiquants de la vénerie, représentés par François Lucas du rallye Bonnelles-Rambouillet, défendent l'héritage culturel de leur activité. Ils soulignent l'empreinte profonde de la chasse à courre dans l'histoire française, citant son influence sur l'architecture des châteaux historiques, la littérature classique et les traditions musicales comme les sonneries de trompe.
La Société de Vénerie réfute l'image d'un loisir élitiste, présentant des études sociologiques démontrant la diversité sociale de ses adhérents. Les équipages fonctionnent sous le statut d'associations loi 1901, accessibles à travers une simple cotisation.
Les enjeux complexes de la gestion de la faune
La régulation des populations animales représente un argument central des défenseurs de la chasse. Ils mettent en avant plusieurs missions essentielles :
- La limitation des dégâts causés aux cultures par les sangliers, dont l'indemnisation est assurée par les chasseurs
- La réduction des risques d'accidents routiers liés aux traversées d'animaux sauvages
- La surveillance sanitaire des populations animales face aux risques de rage, tuberculose et autres pathologies
- La préservation de l'équilibre écologique des territoires ruraux
La révolution du réensauvagement
Le projet porté par Yann Arthus-Bertrand aux Mesnuls incarne une vision moderne de la conservation. Cette initiative s'inscrit dans le mouvement international du rewilding, une approche novatrice gagnant du terrain à travers l'Europe. La réserve devient un modèle expérimental pour repenser la coexistence entre activités humaines et vie sauvage.
Un débat sociétal majeur
L'opposition entre le photographe et les veneurs révèle une fracture profonde dans notre rapport à la nature. L'approche traditionnelle, basée sur une gestion active de la faune par l'homme, se heurte à une philosophie privilégiant l'autonomie des écosystèmes naturels.
La mobilisation citoyenne autour de cette pétition pourrait marquer un moment décisif dans l'histoire de la chasse française. Le nombre croissant de signatures témoigne d'une évolution significative des mentalités sur la question du bien-être animal et de la préservation de la biodiversité.
La prochaine étape de ce débat se jouera probablement dans l'arène politique, où les parlementaires devront arbitrer entre tradition séculaire et nouvelles aspirations sociétales.