L’influenceur-pêcheur devant la justice : passion ou provocation ?
Le tribunal correctionnel de Marseille l’avait déjà condamné, mais cela ne suffisait pas. Cédric Manjard, alias le pêcheur fou, a décidé de faire appel, espérant échapper à son interdiction de pêcher et de chasser. Un homme qui se dit passionné, mais dont les vidéos sur les réseaux sociaux ont soulevé une vague d’indignation. Entre captures illégales, mise en scène douteuse et mépris affiché des règles, cette affaire soulève une question de fond : la quête de notoriété justifie-t-elle de bafouer la réglementation ?
Entre infractions et mise en scène
L’affaire commence en 2022, lorsqu’un signalement parvient à l’Office français de la biodiversité. Sur Instagram et TikTok, un certain pêcheur fou affiche sans complexe des prises de poissons protégés et des chasses contestables. Pêche maritime sans marquage conforme, capture d’espèces protégées, chasse avec des moyens prohibés… La liste des infractions relevées est longue. Devant la cour d’appel d’Aix, Manjard admet une partie des faits, sauf pour le chevreuil et la vente illégale de poissons.
Mais les images parlent d’elles-mêmes. Pêche de thons hors cadre réglementaire, capture d’un corb, d’un mérou et même d’un requin… Ses abonnés raffolent de ses prises, et lui alimente la machine. Même lorsqu’il s’agit de tirer sur un animal blessé, il s’en vante sur les réseaux : « Cette vidéo, je l’ai publiée 7 ans après, pour faire le buzz. » Un aveu qui résume bien l’état d’esprit du personnage.
Influenceur ou délinquant environnemental ?
Avec 48 000 abonnés sur Instagram et 72 000 sur TikTok, Manjard ne se contente pas de pratiquer la pêche et la chasse : il en fait un spectacle, quitte à passer outre les lois. Une attitude qui agace les magistrats, conscients de l’impact de ses vidéos. L’influence est un levier puissant, mais pour quel message ? Le tribunal met les pieds dans le plat : « La pêche à papa réglementaire, ça fait peut-être moins rêver. »
Du côté des associations de défense de la nature, la colère gronde. Ligue de protection des oiseaux, Fondation Brigitte Bardot, Robin des Bois… Toutes dénoncent le comportement d’un homme qui « méprise la réglementation, l’animal et l’environnement ». Pour elles, la seule solution est d’interdire définitivement à cet influenceur de continuer ses activités de pêche et de chasse. « Être autant suivi sur les réseaux sociaux implique une responsabilité », rappelle Me Isabelle Vergnoux, avocate des parties civiles. Un message qui semble loin des préoccupations de Manjard.
Un repenti… sur commande ?
Face aux juges, l’influenceur adopte un tout autre discours. Fini les provocations, place aux regrets bien calculés. « Je sortais de prison, j’étais excité, j’ai fait n’importe quoi », tente-t-il d’expliquer. Il promet que désormais, il publie des vidéos respectueuses de l’environnement. Un virage à 180° qui peine à convaincre.
Son avocat, Me Karim Bouguessa, plaide la diabolisation. Selon lui, son client a « reconnu ses erreurs » et cherche à devenir un influenceur plus sérieux et militant. Un effort qui, selon la défense, devrait lui éviter une interdiction définitive de pêcher et de chasser. Reste à savoir si la cour d’appel d’Aix sera sensible à ce revirement soudain.
Verdict en suspens
Le ministère public, lui, ne l’entend pas de cette oreille. 18 mois de prison, dont 6 mois avec sursis, interdiction de chasser et de pêcher pendant 5 ans, 10 000 euros d’amende et interdiction de détenir une arme. C’est la sanction requise. Une réponse proportionnée pour un homme qui a utilisé son influence pour enfreindre la loi, au mépris des règles et de la biodiversité.
Le 5 mars, la cour rendra son verdict. Un verdict attendu, qui posera une question de fond : jusqu’où peut-on aller au nom du divertissement et de la course aux abonnés ?