L’ouverture de la pêche du sandre en 2025 connaîtra un décalage inédit dans plusieurs départements. Si cette modification réglementaire est souvent présentée comme une mesure de protection de l’espèce, elle s’appuie sur plusieurs facteurs biologiques, environnementaux et parfois économiques. Décryptage des véritables motivations derrière cette évolution.
Une période de reproduction sous-estimée jusqu’à présent
Le sandre (Sander lucioperca) est un carnassier dont la reproduction est particulièrement sensible aux conditions climatiques. Sa période de frai intervient lorsque la température de l’eau dépasse 10°C, soit en général entre mars et mai en fonction des régions. Lors de cette période, le mâle reste sur le nid pour protéger les œufs et les alevins contre les prédateurs, un comportement qui le rend très vulnérable aux captures.
Les études menées ces dernières années, notamment par l’installation de sondes thermiques dans certains départements, ont montré que les dates d’ouverture actuelles ne correspondaient pas toujours au cycle naturel du sandre. Ainsi, dans certains secteurs, la pêche du sandre était autorisée alors que les mâles continuaient de protéger leur nid, mettant en péril le renouvellement de la population.
Une pression halieutique accrue sur une espèce très convoitée
Le sandre est un poisson particulièrement recherché, notamment pour la finesse de sa chair et les défis qu’il représente en pêche. Cette popularité a conduit à une augmentation des prélèvements, avec parfois des excès en période de frai. Dans certains cours d’eau et plans d’eau, les populations de sandres ont montré des signes d’affaiblissement, notamment une diminution des classes d’âge les plus jeunes.
Les quotas de captures ont été ajustés dans certains départements, mais ces mesures se sont révélées insuffisantes pour garantir une protection efficace de l’espèce. L’ouverture décalée vise donc à réduire cette pression durant les moments où le sandre est le plus fragile.
Un arbitrage entre réglementation et lobbying
Derrière cette décision, un autre facteur entre en jeu : l’influence des pêcheurs professionnels et des fédérations locales. Dans certains départements, la date d’ouverture du sandre coïncide souvent avec celle du brochet, une décision qui n’est pas toujours basée sur des critères biologiques. Cette synchronisation répond à une logique administrative et politique, permettant de faciliter le contrôle et la gestion des eaux.
Certains acteurs économiques, notamment les pêcheurs professionnels en eau douce, ont également une influence sur ces décisions. Le sandre étant une espèce prisée en restauration, les périodes d’ouverture et les tailles de capture réglementaires sont parfois ajustées en fonction de leurs intérêts.
Des adaptations locales pour une gestion plus fine
Certains départements pilotes ont déjà instauré des fenêtres de capture (entre 50 et 70 cm) pour protéger les géniteurs, une approche qui pourrait se généraliser à d’autres régions. En parallèle, certaines fédérations souhaitent aligner la fermeture du sandre avec celle du brochet pour éviter des prélèvements abusifs en période de frai.
L’objectif principal de ces ajustements est d’adapter la gestion halieutique aux réalités biologiques du sandre, tout en prenant en compte les contraintes des pêcheurs. Cette approche permettrait de concilier conservation et pratique durable.
Vers une réglementation plus cohérente ?
Le décalage de l’ouverture de la pêche du sandre en 2025 s’inscrit dans une volonté de mieux protéger l’espèce, tout en tenant compte des intérêts halieutiques et économiques. Si la mesure est bien accueillie par certains pêcheurs soucieux de la préservation de cette espèce, d’autres s’inquiètent d’une restriction accrue de leurs pratiques.
Reste à voir si ces nouvelles dispositions permettront une meilleure gestion de la ressource ou si elles donneront lieu à de nouveaux débats entre pêcheurs amateurs, professionnels et gestionnaires des eaux.