L’alose feinte (Alosa fallax) attire peu l’attention des pêcheurs sportifs malgré ses qualités de poisson combatif. Migratrice anadrome, elle incarne un exemple typique des poissons à cycle complexe entre mer et rivière.
Un poisson entre deux mondes : mer et eau douce
L’alose feinte fait partie de la famille des Clupéidés, comme la sardine et le hareng. Elle se distingue par une taille moyenne de 40 cm et une morphologie élancée, argentée, marquée de tâches sombres sur les flancs. Les individus adultes vivent en mer mais remontent les rivières au printemps pour se reproduire.
La migration se déclenche à partir d’avril, quand la température de l’eau atteint 10 à 14 °C. Les femelles, plus grandes que les mâles, arrivent dans les zones de frai en second. Contrairement au saumon, l’alose feinte peut se reproduire plusieurs fois au cours de sa vie, souvent entre 3 à 8 pontes par migration.
Une répartition autrefois large, aujourd’hui fragmentée
Historiquement, les aloses remontaient très en amont des grands fleuves : jusqu’à 700 km dans le bassin de la Loire, ou au-delà de Paris dans la Seine. Aujourd’hui, leur aire de reproduction est réduite par la présence d'ouvrages infranchissables, comme les barrages, et par la dégradation des milieux.
On trouve encore des populations actives dans les bassins atlantiques et méditerranéens, notamment en Corse avec la sous-espèce Alosa fallax rhodanensis. En mer, les adultes vivent en bancs sur le plateau continental, où ils se nourrissent de petits poissons comme le sprat, la sardine et le gobie.
Une pêche sportive exigeante et peu pratiquée
Malgré des qualités sportives indéniables, l’alose feinte reste largement délaissée par les pêcheurs à la mouche. Ce poisson ne se nourrit pas pendant sa migration. Ses touches sont violentes, ses attaques liées à l’instinct de défense.
La pêche s’effectue en dérive aval, avec des cannes à une main ou switch. L’alose réagit à des leurres brillants ou colorés. Les combats sont marqués par des sauts et des départs puissants, mais les décrochés sont fréquents à cause de la dureté cartilagineuse de sa bouche.
Comportement et reproduction : un cycle précis et bruyant
L’alose feinte fraie principalement de nuit, dans les zones sableuses ou graveleuses. Les groupes d’adultes sont bruyants durant la reproduction. Les œufs, pondus en eau libre, dérivent ou se déposent au fond. Les jeunes restent en eau douce pendant un à deux ans avant de rejoindre la mer.
Ce poisson se distingue aussi par une sensibilité auditive marquée. Il utilise des signaux sonores pour communiquer, notamment pour alerter ses congénères de la présence de prédateurs.
Une espèce indicatrice d’un milieu en transition
Classée quasi menacée (NT) en France, l’alose feinte symbolise les enjeux de continuité écologique des rivières. Sa capacité à survivre à plusieurs reproductions, contrairement à la grande alose, constitue un atout biologique dans un environnement fragmenté.
Les efforts de restauration des frayères, la mise en place de passes à poissons, et la réduction des pollutions pourraient améliorer ses conditions de vie. Sa discrétion dans les pratiques halieutiques contraste avec l’intérêt scientifique croissant qu’elle suscite.
Un poisson à reconsidérer
Combatif, migrateur, patrimonial : l’alose feinte mérite sans doute plus d’attention de la part des pêcheurs et gestionnaires. Sa présence témoigne d’un certain état de santé des milieux aquatiques et d’une richesse biologique à préserver. Le comportement de ce poisson discret mais spectaculaire en fait un sujet d’intérêt majeur pour les passionnés d’eau douce.