Un « diable noir » des abysses observé vivant près des îles Canaries
Le 26 janvier 2025, une découverte rare a été faite au large de Tenerife, dans les îles Canaries. Un diable noir des abysses, aussi appelé baudroie abyssale de Johnson (Melanocetus johnsonii), a été filmé vivant et en pleine nage, un phénomène quasiment inédit. Ce poisson, qui vit normalement entre 200 et 2 000 mètres de profondeur, a été observé en pleine journée, à la surface de l'eau. Cette scène inhabituelle interroge les spécialistes sur les raisons de sa présence si près de la surface.
Une observation exceptionnelle
L’équipe de Condrik Tenerife, une ONG spécialisée dans l’exploration marine, a été témoin de cette apparition. Les images, capturées à environ 2 kilomètres de la côte ouest de Tenerife, montrent un poisson au corps noir, muni de longues dents acérées et d’un leurre bioluminescent servant à attirer ses proies. Ces caractéristiques sont typiques des baudroies abyssales, qui vivent dans les zones les plus sombres des océans.
Cette observation est d’autant plus remarquable que seuls deux spécimens vivants avaient déjà été filmés auparavant. Le premier a été capturé en 2014 par un sous-marin téléopéré dans la baie de Monterey, à 580 mètres de profondeur.
Un comportement inhabituel
Les baudroies abyssales sont des prédateurs embusqués qui restent généralement immobiles dans les profondeurs en attendant leur proie. Or, le spécimen filmé aux Canaries nageait activement, un comportement inhabituel pour cette espèce. D’après l’ichtyologue Kory Evans de l’université Rice, ces poissons sont plutôt adaptés aux pressions extrêmes des grandes profondeurs et ne remontent pas à la surface de leur plein gré.
Les scientifiques avancent plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène :
- Une fuite face à un prédateur, comme un phoque ou un globicéphale, qui aurait forcé le poisson à remonter.
- Un problème de santé, notamment une maladie ou une anomalie physiologique qui aurait affecté sa flottabilité.
- Une remontée involontaire due à une poche de gaz, si la baudroie avait consommé un poisson contenant une vessie natatoire.
- Un courant ascendant causé par une activité volcanique sous-marine, fréquent dans la région des Canaries.
Le destin du poisson après sa découverte
Le diable noir des abysses n’a pas survécu longtemps après sa capture en vidéo. Son corps a été prélevé et transporté au musée de la Nature et de l’Archéologie de Santa Cruz de Tenerife, où il sera étudié de près par les chercheurs. Cette opportunité permettra d’en apprendre davantage sur cette espèce encore mal connue.
L’étude des baudroies abyssales a longtemps été limitée aux spécimens retrouvés morts dans des filets de pêche. Ce nouvel individu pourrait donc fournir des informations précieuses sur son mode de vie, ses adaptations aux grandes profondeurs et son interaction avec les bactéries bioluminescentes qui l’accompagnent.
Un diable noir des abysses, (Melanocetus johnsonii), a été observé près de la surface de l'eau au large de #Tenerife. Ce #poisson vit d'habitude dans les profondeurs. pic.twitter.com/N24nP7369A
— L'essentiel (@lessentiel) February 9, 2025
Un rappel de la méconnaissance des abysses
Cet événement met en lumière le fait que les océans restent l’un des milieux les plus méconnus de la planète. Comme le souligne Bruce Robison, spécialiste des créatures abyssales, les abysses constituent le plus vaste habitat sur Terre, mais restent encore largement inexplorés. L’observation d’un tel poisson en surface soulève des interrogations sur les impacts environnementaux, les interactions entre les espèces et les conditions océaniques profondes.
Ce type de découverte rappelle que de nombreuses espèces vivent encore hors de notre portée, et que l’exploration des grands fonds pourrait révéler d’autres spécimens aussi mystérieux que cette baudroie abyssale.